A la fin de ce post, le mot OREILLE n'aura plus jamais le même sens pour vous.
Bé oui, si l'oreille n'était que le petit appendice en double exemplaire qu'on a de chaque côté du crâne et qui nous sert à entendre, ce serait bien trop banal et la vie serait bien trop terne.
(Heureusement que les boulangers sont là pour pimenter notre vocabulaire).
Donc non non..., l'oreille c'est aussi cette belle, que dis-je, cette magnifique, cette somptueuse, cette proooooodigieuse excroissance, croustillante à souhait, qui surgit à la surface d'un pain lors de sa cuisson... si on est habile et si on a de la veine !!!
C'est que cette excroissance (qui en effet, ressemble à certaines oreilles ? - enfin pas les miennes mais bon ? quoique...) n'apparaît pas tout le temps, et que nombreux sont ceux qui ont pleuré leur race se sont vainement échinés à la faire apparaître...
Une OREILLE (donc, une EAR en anglais - bé oui logique, en anglais c'est le même mot) doit en principe apparaître lors de la cuisson, lorsque juste avant l'enfournement, on a, tels des artistes, scarifié d'un geste sûr la surface du pain à l'aide d'un couteau bien tranchant ou d'une lame de rasoir (ou, si on est super équipés, d'une "grignette").
Paf, un coup de lame à 45° (mais pas tout à fait), profond (mais pas trop), sur une pâte bien fermentée (mais sans excès), avec une lame tranchante (sèche-ou-mouillée-ou-huilée-c'est-toi-qui-vois), juste avant l'enfournement (mais pas trop tôt), dans un four humide (mais juste pendant les premières minutes de cuisson), etc etc..., et ... c'est le succès garanti. Fastoche.
En fait, vous avez d'un côté, les adeptes des jolis petits motifs délicats esquissés à la surface (épis de blé et autres motifs champêtres mis en relief par la farine saupoudrée façon pochoir - on abordera cela dans un prochain post) et de l'autre côté, les adeptes de l'oreille franche et protubérante : plus elle est grande et saillante, plus on est contents.
Tout se joue en réalité dans les 10-15 premières minutes de cuisson, lorsque le pain gonfle et qu'il "crache" à travers les scarifications.
Imaginez un peu la trépidation du boulanger devant son four :
Option 1 (tout va bien) : l'oreille se dessine et monte telle une plaque tectonique déchaînée
(j'aurais aimé pouvoir joindre ici un audio avec le tonitruant cri du guerrier victorieux que poussent les boulangers amateurs lorsqu'ils voient l'oreille apparaître - mais la décence me contraint à m'en abstenir)
Option 2 (fiasco, désespoir, pensées suicidaires, etc) : la scarification "cicatrise" à plat, la couture est lisse, triste et sans relief.
Un petit tour sur les réseaux sociaux, dans les groupes d'adeptes des pains maisons, et vous comprendrez à quel point l'obtention d'une OREILLE est une quête obsessionnelle, que dis-je, une véritable quête du Graal !,... et le gage (principal ?) d'un pain qu'on qualifie de "réussi".
Et si vous ne me croyez pas, regardez un peu ce florilège de copies-écrans réalisées à la va-vite sur Facebook où les co-pains communiquent victorieusement lorsqu'ils obtiennent une OREILLE :
(que les auteurs soient remerciés pour ces partages qui vont aujourd'hui à la postérité puisque nous les accueillons dans notre vénérable glossaire)
PS : je suis d'accord, il y a des "oreilles" qui ressemblent davantage à des houpettes de Tintin... et d'autres à des palourdes...
PPS : que ceux qui bloquent sur la photo de pain violet se décrispent : cette couleur s'obtient en infusant l'eau qui sert à fabriquer le pain avec des fleurs de pois (le fameux "thé bleu d'Indonésie).
PPPS : vous êtes prévenus : celui qui arrivé au bout de ce post me dit qu'il n'a pas compris ce que les boulangers appellent une oreille, sera définitivement banni de ce blog sans avertissement.
;)
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